G. Costeley: Las, Je n'eusse jamais pensé
Publié le 1 Octobre 2014
Après "Mon coeur se recommande à vous", nous poursuivons la série d'articles sur les chants anciens travaillés par la chorale il y a quelques années. Aurjourd'hui, un chant de Guillaume Costeley: "Las, je n'eusse jamais pensé".
Pour en savoir plus sur le compositeur, on peut lire la publication sur Wikipedia dont voici un extrait:
Guillaume Costeley [Cotalay, Cautelay, Costelly, Coustelly], né en 1530, probablement vers Pont-Audemer et mort le 1er février 1606 à Évreux, est un musicien et compositeur français de la Renaissance.
. . .
Les œuvres de Costeley établissent un lien entre la chanson française polyphonique de la première moitié du XVIe siècle et celle des musiciens italianisants des années 1570-1580 ; elles contribuent également à développer l'écriture verticale et le sentiment harmonique, qui annoncent l'air de cour, genre qui apparaissait alors et qui continuera à se développer au XVIIe siècle.
Elles utilisent des intervalles harmoniques inusités et plusieurs d’entre elles alternent des passages d'homophonie et de contrepoint. Ce contrepoint n’est jamais contraint ni savant, et reste toujours au service du texte.
La partition au format PDF est disponible sur le site CPDL (ChoralWiki) ou IMSLP, et le fichier de travail au format Musescore est téléchargeable sur ce site
Paroles (ancien français):
Dame qui causes ma langueur,
De voir ainsi recompense
Mon service d'une rigueur,
Et qu'en lieu de me secourir
Ta cruauté m'eust fait mourir.
Quand je te vy premierement
Le mal que j'ay depuis recue
Pour aimer trop loyalement,
Mon cœur, qui franc avoit vescu,
N'eust pas esté si tost vaincu.
Qui seuls me vindrent decevoir,
De me donner encore mieux
Que mon cœur n'esperoit avoir ;
Puis, comme jaloux de mon bien,
Ont transformé mon aise en rien.
Amour me força d'un desir
D'assujettir ma loyauté
Sous l'empire de leur plaisir,
Et decocha de leur regard
Contre mon cœur le premier dard.
Qui, pour me faire bien-heureux,
M'ouvrit par la clef de ton œil
Le paradis des amoureux,
Et, fait esclave en si beau lieu,
D'un home je devins un dieu.
Mais à l'œil qui m'avoit blesse,
Mon cœur en gage de ma foy
A mon vainqueur j'ai delaissé,
Où serf si doucement il est
Qu'autre liberté luy desplaist ;
Mainte amoureuse adversité,
Le plus cruel de ses ennuis
Luy semble une felicité,
Et ne sçauroit jamais vouloir
Qu'un autre œil le face douloir.
Et les pieds tousjours outragez,
Ores des vents, ores des flots,
Contre les rives enragez,
N'est point si ferme que mon cœur
Sous l'orage d'une rigueur :
Les beaux yeux qui l'ont en-reté,
Semble du tout au diamant,
Qui, pour garder sa fermeté,
Se rompt plustost sous le marteau
Que se voir tailler de nouveau.
Ny grace, beauté, ny maintien,
Ne sçauroit dans mon cœur enter [entrer?]
Un autre portrait que le tien,
Et plustost il mourroit d'ennuy,
Que d'en souffrir un autre en luy.
Qu'une autre dame en ait sa part,
L'environner d'un grand rocher,
Ou d'un fosse, ou d'un rampart :
Amour te l'a si bien conquis,
Que plus il ne peut ester acquis.
La nuict sans les cieux allumer,
Et plustost les vents cesseront
De tempester dessus la mer,
Que de ses yeux la cruauté
Puisse amoindrir ma loyauté.